Les rituels d’endormissement, le matériel utilisé, et les
recommandations en vigueur sont autant d’informations sur les habitudes d’une
société en matière de couchage. Dans ce domaine très privé et difficilement
mesurable, il existe une différence entre ce qui est exprimé en termes
d’attentes et de pratiques et la réalité.
Les études sur le sommeil ne différencient pas ou peu le
lieu de sommeil concerné et les habitudes décrites ici ne sont pas exhaustives.
Deux modes de sommeil sont différenciés : le sommeil solitaire et le
sommeil partagé. L’aperçu des pratiques que l’on peut observer aujourd’hui permet
de constater que les façons de coucher un bébé forment un panel extrêmement
étendu et soumis à des variations.
Sommeil solitaire
C’est le modèle de sommeille plus valorisé : l’enfant dort
dans sa propre chambre (éventuellement partagée avec une partie de la fratrie)
seul dans son lit. Le sommeil solitaire est présenté comme étant un idéal à
atteindre, des méthodes d’entraînement pour apprendre au bébé à s’endormir et
se rendormir seul sont diffusées, les livres pour enfant illustrent
généralement le sommeil solitaire. Des lits spéciaux pour bébé avec des normes
de sécurité et une literie adaptée sont recommandés uniformément, ainsi que
l’utilisation de vêtements chauds appropriés pour éviter le recours à des couvertures,
draps ou couettes.
Le matériel visant à remplacer la présence parentale est
largement commercialisé : doudou, veilleuse, boîte à musique, tétine
simulant une présence parentale et audiophone permettant une forme de
surveillance à distance par le parent.
L’utilisation d’un doudou et l’instauration d’un rituel
d’endormissement sont quasi incontournables, rituel marqué par la mise à
distance avant l’endormissement et la simplification à l’extrême des gestes et
actions parentales visant à rassurer et réconforter l’enfant (le bercement, le
contact peau à peau, le portage étant évités par crainte des habitudes qu’ils
pourraient initier). Le doudou est sacralisé, présenté non pas comme un
substitut maternel inerte mais comme un partenaire essentiel du développement
affectif de l’enfant. La tétine ou sucette est largement utilisée pour répondre
au besoin de succion du bébé. Il est intéressant de constater que dans les
sociétés pratiquant le sommeil partagé « bébé dans le lit des
parents », l’enfant n’a pas ou peu
d’objet transitionnel.
Evolution des pratiques
Une étude française a mis en évidence
que la majorité des bébés de 1 à 6 mois vont partager la chambre de leurs
parents à un moment ou à un autre. Et une partie des bébés concernés, 37 % le
fera dans le lit parental. C’est cette réalité qui peut nous conduire à parler
d’une « période à probabilité élevée de sommeil partagé ». Aucune étude n’a
quantifié le nombre de bébés dormant sur un canapé, dans les bras de leur, mère
assoupie dans un fauteuil ou allaitant sur une chaise, etc. Les chiffres
disponibles sur ces modes de couchages, sont ceux des recensements de mort
subite et/ou de mort par étouffement, enfouissement, chute du bébé, ils
témoignent de l’existence du sommeil partagé dans de mauvaises conditions de
sécurité.
La proximité mère-enfant facilite l’allaitement maternel et
les tétées nocturnes favorisent la lactation tout en répondant aux besoins
nutritionnels et affectifs du bébé qui se rendort très rapidement en tétant. La
mère, sous l’action de la prolactine se trouve dans un état de somnolence et de
fait, le bébé se trouve souvent endormi ailleurs que dans son lit individuel.
Le sommeil partagé est un terme recouvrant un certain nombre
d’arrangements de sommeil, composé de nombreuses pratiques différentes, chacune
d’entre elles nécessitant sa propre description et la considération de ses
caractéristiques spécifiques avant que l’on puisse débattre de sa sécurité et
de ses conséquences.
Le sommeil partagé existe quand la mère et l'enfant dorment
avec une proximité suffisante pour permettre à chacun de détecter les signaux
et messages sensoriels de l'autre, même s'ils sont installés sur des surfaces
distinctes - comme quand le berceau est à côté du lit.
Voici quatre groupes dans lesquels peuvent être classées les
différentes façons de partager le sommeil de son bébé :
Le bébé dort sur son parent :
Dans un porte bébé, ou porté dans les bras du parent ou posé
sur le corps du parent sans dispositif de maintient, c’est une forme de sommeil
partagé très répandue. Dans notre culture elle est généralement suivie par le
couchage du bébé dans son berceau ou lit et est utilisée comme stratégie
d’endormissement ou survient de façon inopinée (le bébé qui s’endort en tétant en
est l’illustration bien connue des mamans allaitantes).
Le bébé dort dans le lit de ses parents :
Cela peut se faire de façon occasionnelle ou habituelle, une
partie ou pendant toute la nuit, le bébé se trouve au contact ou à portée de
bras de son parent, généralement sa mère. Du fait de notre culture, il est rarement anticipé par les
parents. Souvent pratiqué en dernier recours lorsque le bébé pleure depuis des
heures, ou bien en cas de fatigue intense des parents, c’est la forme de
sommeil partagé la plus taboue.
Le lit du bébé est placé contre le lit de ses parents ( lit en side-car )
Quand le bébé s’est endormi après la tétée, il est possible
de le pousser doucement dans son lit. Ainsi, tout en restant proche pour la
tétée, chacun préserve son espace de sommeil.
Un matériel spécifique existe et se popularise de plus en
plus (ko-dodo, berceau side-bed en maternité). Certains lits à barreaux
(roulants et/ou à barrière amovible) permettent une installation en side-bed,
et cela est une utilisation particulière d’un matériel conçu à la base pour du
sommeil solitaire.
Le lit de bébé se trouve dans la chambre des parents
Il s’agit ici de faire dormir le bébé dans un couchage
individuel : lit à barreaux, matelas ou berceau placé dans la chambre des
parents, plus ou moins près du lit parental. Même s’ils ne partagent pas le
même lit, bébé sent la présence rassurante de ses parents, et la mère peut
rapidement répondre aux besoins de bébé sans avoir à aller très loin. C’est une
organisation très courante en service de maternité avec les berceaux en
plexiglas transparent sur roulettes. Ce mode de couchage répond aux
recommandations en vigueur dans notre pays en matière de sécurité physique et
fait écho positivement aux attentes de sommeil solitaire.
Bien entendu ces différentes organisations peuvent se
rencontrer pour toute la nuit ou seulement une partie de la nuit, pour une
période limitée dans le temps en jours, semaines, mois ou années, et faire
l’objet de réajustements fréquents.
L’instauration du label IHAB (Initiative Hôpital ami des
bébés) a modifié les pratiques dans les maternités qui choisissent de se lancer
dans ce projet. En effet la 7 ème des « 10 conditions pour le succès de
l’allaitement maternel » nécessaires à l’obtention du label Ami des bébés
est de « laisser l'enfant avec sa mère 24 heures sur 24 », ce qui
induit implicitement de pratiquer une forme de partage du sommeil. Un matériel
spécifique est disponible pour faciliter l’allaitement au lit et la proximité
« à portée de bras » mère-enfant. Il s’agit le plus souvent de
berceaux accolés au lit de la mère, la surface de couchage étant à la même
hauteur et l’espace de sommeil de chacun étant tout de même délimité par la
taille du berceau. C'est par exemple le cas à la maternité de Saint-Affrique dans l'aveyron.
Les habitudes de vie et les soins prodigués au nouveau-né en
maternité forgent les premiers repères pour les parents et donnent un exemple
fort de la façon dont il convient de s’occuper d’un nourrisson. On peut supposer
que l’utilisation d’un matériel spécifiquement adapté au sommeil partagé
transmet un message positif sur cette pratique, tout en posant des conditions
de sécurité acceptables. A contrario, l’absence de side-bed ne laisse que deux
alternatives à la mère souhaitant garder son bébé près d’elle après la
tétée : le garder dans son lit avec des conditions de sécurité médiocres (barrières
non adaptées à la sécurité du nouveau-né, présence d’oreillers, de couvertures,
risque de chute), ou bien le reposer dans le berceau prévu à cet effet.
Le « peau à peau » est un moyen de garder le bébé
très proche de sa mère, en contact direct, et présente de nombreux avantages
(régulation thermique, tétées facilitées, processus d’attachement favorisé,
etc). Utilisé en service de néonatalogie au titre de la méthode kangourou, il
est également de plus en plus proposé en salle de naissance. Il est cité dans
un document de référence sur l’allaitement sans autre précision quand aux
mesures de sécurité à vérifier pour sa pratique. Les bébés apprécient de dormir
en peau à peau et c’est une forme de sommeil partagé.
Le portage avec un dispositif tel qu’une écharpe ou un hamac
remporte un vif succès, il offre au bébé la possibilité de dormir sur son
parent, c’est une forme de sommeil partagé généralement diurne. Il est à noter
que de plus en plus de crèches et de services de néonatalogie forment leur
personnel pour qu’ils puissent porter les bébés. C’est une façon de reconnaître
et de répondre favorablement au besoin de contact des bébés et de permettre une
forme du sommeil partagé !